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TRIBUNE | Développement industriel et décarbonation du Golfe Fos-Berre : « Sans décisions concrètes rapides, la France s’apprête à perdre 20 milliards d’euros d’investissement et plus de 60 000 emplois »

Alors que 31 projets de décarbonation sont prêts à être engagés depuis des mois, les fédérations et groupements industriels alertent sur l’enlisement actuel du débat global sur le territoire Fos Etang de Berre, ainsi que la remise en cause et l’absence de décisions concrètes en matière d’énergie, d’infrastructures et de financements. Ils en appellent à l’Etat face au risque réel et imminent de voir les investisseurs et industriels renoncer aux projets annoncés ou aller les réaliser dans d’autres pays, et alertent sur l’impact social potentiel pour le tissu industriel régional.

23
June
2025

Depuis le 2 avril, une vaste procédure de concertation du public – la plus importante jamais réalisée en France - sur des projets de réindustrialisation et de décarbonation du territoire de Fos-sur-Mer, de l’étang de Berre et de sa région, est organisée sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP). Il s’inscrit dans la continuité de concertations publiques organisées ces deux dernières années sur une trentaine de projets de transformation industrielle et de décarbonation, représentant près de 20milliards d’euros d’investissement, la création de 10 000 emplois directs d’ici 5 ans et pourraient conduire à la création de 61 2000 emplois directs, indirects et induits.

Il s’agit d’une dynamique de transition industrielle et de développement territorial sans précédent en France depuis 50ans. Aucun territoire n’a connu un tel foisonnement de projets d’ampleur nationale et internationale (énergies décarbonées, acier décarboné, carburants durables, décarbonation des industries existantes…) qui, s’ils se réalisaient, renforceraient la souveraineté et la compétitivité de la France, et positionnerait cette zone parmi les principaux territoires d’industries décarbonées en Europe. Cette opportunité unique et historique est d’autant plus cruciale qu’elle s’inscrit dans un contexte industriel critique en France, avec dessecteurs d’activité en très grande difficulté (aciérie, sidérurgie, chimie, automobile, etc.), notamment en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Pourtant, il existe un risque réel que ces investissements - et les nombreux emplois et aménagements qu’ils contribueraient à créer - se fassent ailleurs en Europe ou dans le monde. En cause, une polarisation et un risque d’enlisement du débat public sur la question du raccordement électrique très haute tension du territoire de Fos-sur-Mer et de l’étang de Berre. Ce projet, porté par RTE, est indispensable pour apporter la puissance électrique nécessaire à ces projets industriels dans le temps imparti, plus largement à la sécurisation électrique de la région et à l’électrification de ses usages : développement des mobilités électriques, alimentation des data centers…

Cependant, la place prépondérante que ce projet prend dans et en dehors du débat contribue à mettre au second plan d’autres enjeux tout aussi urgents et cruciaux pour la bonne réalisation de nombreux projets industriels d’intérêt national et l’amélioration de la qualité de vie des habitants de la zone : développement des mobilités, création de logements, renforcement des services publics... Ces enjeux figurent pourtant au cœur d’une feuille de route signée par l’Etat, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Métropole Aix-Marseille Provence le 27 février dernier, et certains sont attendus depuis plus d’un demi-siècle par les habitants.

La mise en place d’un organe de gouvernance partagé entre l’Etat, les collectivités territoriales et les acteurs industriels pour piloter conjointement la politique industrielle et d’aménagement de la zone fait notamment partie des priorités. Prêts à investir20 milliards d’euros sur les cinq prochaines années, les industriels attendent de l’Etat et des collectivités locales une trajectoire nette et qu’ils soutiennent urgemment ces projets en confirmant leurs engagements financiers pour développer les infrastructures, notamment sur la mobilité, nécessaires à leur développement.

Lors des réunions publiques qui se sont tenues ces dernières semaines, les habitants du territoire, les associations environnementales, les organisations professionnelles et les syndicats ont lancé un appel plus large : renforcement de l’offre de logements, de soins et de services publics, préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, emploi et formation des populations locales, notamment les jeunes, aux métiers actuels et d’avenir nécessaires à la mise en œuvre de ces projets.

Il y a urgence à considérer ces demandes -partagées par les industriels pour leurs salariés – comme celle de la ligne électrique très haute tension vers Fos-sur-Mer, et à y apporter des réponses concrètes d’ici à la clôture du débat public le 13 juillet 2025. La décision d’investissement de la majorité des projets à l’étude à Fos-sur-Mer et sur le pourtour de l’Etang de Berre doit se faire d’ici la fin de l’été. Le risque d’enlisement du débat public conjugué au démarrage de la campagne des élections municipales de2026 fait craindre un report d’un certain nombre de décisions, qui conduirait immanquablement les investisseurs à chercher de nouveaux débouchés ailleurs en Europe ou dans le monde. Plus largement, c’est le dynamisme d’un tissu industriel régional - et de ses 400 000 emplois directs - fragilisé par le contexte économique international et soumis à des impératifs forts de compétitivité, qui est en jeu.

L’avenir industriel, économique et social de la région comme de France se joue dans les prochaines semaines. Les acteurs industriels demandent à l’Etat et aux collectivités territoriales d’être attentifs aux besoins exprimés par les industriels, de concrétiser leurs engagements et de maintenir le calendrier sous peine de louper une opportunité historique de contribuer à la réindustrialisation et la transformation de cette zone et de la France.

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Christine Baze, Présidente d’Industries Méditerranée, représentation unifiée de l’ensemble des filières industrielles en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Pascal Kuhn, Président de l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM) Alpes-Méditerranée

Jean-Michel Diaz, président du Groupement Maritime et Industriel de Fos et sa région (GMIF)

Stéphane Bergamini, Délégué Général de France Chimie Méditerranée

 

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Provence Fabrique des Possibles est une initiative collective inédite portée par plus de 100 acteurs économiques, industriels et territoriaux majeurs.

Elle défend un plaidoyer pour l’avenir économique, social et environnemental du territoire, autour d’une ambition claire : faire de la Région Sud le leader national de la décarbonation industrielle.

Cette dynamique regroupe plus de 30 projets industriels structurants alignés avec les grandes priorités nationales : transition écologique, souveraineté énergétique, réindustrialisation. Elle mobilise industriels, élus, citoyens et institutions pour réussir ensemble une transformation profonde et durable du territoire.